IMAGES LATENTES, JOURNAL D'UN PHOTOGRAPHE
par Joana Hadjithomas et Khalil Joreige

Biennale de Venise
Du 9 mai 2015 au 22 novembre 2015.

Joana Hadjithomas et Khalil Joreige sont invités par Okwui Enwezor à participer à la 56ème Biennale de Venise, All the World’s Futures, pour présenter une nouvelle activation de leur projet Images Latentes, Journal d’un photographe (Ed. Rosascape).
Du 9 mai au 22 novembre 2015, un livre sera ouvert chaque jour à l’Arena (Pavillon international) de midi à 14h et à l’Arsenale toute la journée.(Du 5 au 7 mai, la performance à l’Arena se déroulera de 10h30 à 12h30)

Le livre Images Latentes, Journal d’un photographe, troisième volet du projet Wonder Beirut de Khalil Joreige et Joana Hadjithomas, rassemble trente huit planches photos sélectionnées parmi les centaines de pellicules prises, et jamais développées, par le photographe Abdallah Farah entre 1997 et 2006. Ce livre de 1312 pages offre une immersion au cœur de ces images latentes. Le descriptif des images se substitue aux photographies ; de courts fragments de textes décrivent les images invisibles tout en créant un nouvel espace imaginaire.

L'édition de ce "Journal d'un photographe" fait écho à la série des "Images Latentes" (1998-2006), deuxième volet du projet WONDER BEIRUT construit autour du photographe Abdallah Farah, personnage de fiction créé par Joana Hadjithomas et Khalil Joreige.

Ce photographe aurait initié son travail en prenant des images de Beyrouth dans les années 60 ayant servi à produire des cartes postales qu'il a ensuite brûlées durant la guerre civile en fonction des bombardements et des destructions qui touchaient les lieux représentés. Depuis ces années de guerre, souvent à court de produits, de révélateur et surtout de papier, Abdallah Farah a contracté l’habitude de ne plus développer ses images. Il lui suffit de les prendre. Les bobines s’accumulent sans besoin d’être révélées, à l’état de films latents. En revanche, chaque film est daté, répertorié et conservé dans un tiroir ; chaque photographie précisément et minutieusement décrite dans un carnet. Sous la forme de planches contacts ces "images latentes" sont révélées et exposées et se donnent donc à lire, laissant libre cours à l’imagination du lecteur.

A travers ce "Journal d'un photographe" (2010), véritable projet plastique qui explore le statut de l'image et du livre comme lieu de mémoire, de recherche, de création et d'exposition, les descriptifs de chaque photographie prise par Abdallah Farah se substitue à la visibilité de l'image. Celui-ci y relate l'après-guerre à Beyrouth, les événements politiques et sociaux ainsi que ceux de sa vie intime et quotidienne durant une dizaine d'années (1997-2006). Le regard qu'il porte sur le monde contemporain est à la fois celui d'un témoin actif de l’histoire en train de se jouer et d'un homme traversé par les transformations constantes de sa propre existence. Le style épuré et descriptif qu'il emploie pour décrire ses images rend compte de sa démarche de photographe et de ses obsessions d’artiste. La rencontre singulière qui s'opère entre sa nécessité de vivre les événements à travers les images et celle d'être photographe donne au texte une étrange épaisseur poétique : une poésie par accident que l'œil du photographe capte à travers ses détails les plus infimes.

Pour la 56ème Biennale de Venise, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige invite quatre acteurs à activer le livre Images Latentes, Journal d’un photographe. Plusieurs lecteurs se succèdent pour donner à entendre à travers une multiplicité de voix et de modes de lecture l’intégralité des textes de ces « Images latentes », faisant ainsi écho au personnage d’Abdallah Farah, à son histoire, à ses recherches photographiques, au paysage contemporain de l’Histoire du Liban, à la dimension à la fois réelle et fictionnelle qui sous-tend tout le travail du « Journal d’un photographe ». Il s’agit donc de faire entendre un récit et de déplacer la notion d’image latente qu’interrogent Joana Hadjithomas et Khalil Joreige vers le geste performatif en lui créant une autre visibilité, celle de l’émergence de l’image par le corps et l’oralité.
Une caméra filme en gros plan le livre et les pages qui se tournent au rythme de la lecture. Le film est projeté au-dessus des performeurs mettant ainsi en jeu la relation entre l’objet plastique (le livre), l’image en mouvement (la vidéo) et la performance (la lecture).

Plus d'information sur le livre

 

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EXPOSITION
Courtesy of the artist
Commissariat A. Baudelot > Rosascape

CNEAI = Ile des impressionnistes / Chatou
Du 30 novembre 2012 au 28 avril 2013.


avec : Marc Augé, Renaud Auguste Dormeuil, Jean-Christophe Bailly, Daria de Beauvais, Berger&Berger, Katinka Bock, Ulla von Brandenburg, Georges Didi-Huberman, Elie During, Yona Friedman, Dora Garcia, Rebecca Geldard, Raymond Gervais, Rodney Graham, Joanna Hadjithomas et Khalil Joreige, Camille Henrot, Dean Inkster, Christian Jendreiko, Christophe Khim, Florence Lazar, Maria Loboda, Franck Leibovici, Benoît Maire, Catherine Malabou, Raimundas Malasauskas, Nicholas Mangan, Simone menegoi, Chantal Pontbriand, Raphaël Siboni et Fabien Giraud, Oliver Rohe, Vittorio Santoro, Simon Starling, Tatiana Trouvé.

Entre février 2009 et novembre 2012, Le projet Libelle a mis en circulation 18 œuvres dans l'espace public et privé. 18 œuvres inédites offertes au public, cadeau des artistes qui se sont prêtés au concept d'un projet d'exposition sans lieux ni temporalité définis, hors des logiques classiques du marché de l'art et de l'institution. L'exposition Courtesy of the artist rassemble pour la première fois l'intégralité de la collection constituée par ces 18 œuvres imprimées ainsi qu'un certain nombre de formes performatives, visuelles et sonores pensées par les artistes comme des activations de ces œuvres.

L'œuvre se présente sous la forme d'une feuille au format A2 imprimée recto verso sur du papier synthétique Polyart. 1300 exemplaires de ces œuvres ont été mises en circulation en France et à travers le monde et proposées en libre service. 30 exemplaires sont numérotés et signés par l'artiste. Certaines de ces œuvres ont été augmentées par d'autres objets de type vinyle (Dora Garcia), carte postale (Benoît Maire) ou carte géante (Franck Leibovici pour Simon Starling). Présentées dans des enveloppes en plastique grise, les œuvres en libre circulation ont également été l'objet d'une relation spécifique à un(e) auteur(e), lequel auteur était invité à travers l'écriture d'un texte à créer un dialogue entre lui et l'œuvre produite par l'artiste. Le texte est donc une invitation à concevoir l'œuvre d'un point de vue spécifique, personnel, et moins un exercice de critique classique.
A l'origine du projet Libelle il y a donc le désir de réfléchir à la fois les modes de circulation d'une œuvre, sa production, la nature même de la relation qui lie un artiste à un public, le principe de collection et celui de l'exposition. L'idée aussi d'appropriation d'une œuvre par le public car ici les entrées sont multiples. Certains préféreront les collectionner dans leur version sous enveloppe et gratuite, d'autres ne s'intéresseront qu'à quelques projets, d'autres encore n'ouvriront jamais les enveloppes préférant préserver le mystère d'une œuvre latente, jamais révélée à son propre regard ; certains auront une préférence pour sa version numérotée et signée, payante celle-ci, devenant par ce biais partenaire et producteur du projet - c'est en effet grâce à la vente des exemplaires signés que les œuvres de Libelle ont pu être produites et offertes. Une dernière version est à présent accessible, celle qui rassemble tous les éléments constitutifs du projet Libelle - œuvres offertes et signées, objets multiples, activation live de ces œuvres - le tout rassemblé dans un seul et même espace, celui du Cneai et de ses salles d'exposition ; celui aussi d'une boîte à entrées multiples, sorte de « white box » faisant office de boîte d'exposition et d'objet de collection.

Concevoir un projet d'exposition sur plus de trois ans, avec une œuvre nouvelle livrée environ tous les trois mois et dans plusieurs lieux différents, implique de tenir compte des transformations inhérentes aux événements qui traversent le monde sur une période aussi étendue – période qui s'est par ailleurs avérée historiquement très dense. Le fil conducteur qui traverse l'ensemble des œuvres proposées pour Libelle pose donc la question du rapport que nous entretenons aujourd'hui avec notre environnement : comment nous y réagissons, quelles sont nos stratégies personnelles et intimes pour y faire face, quel rapport entretenons-nous entre l'Histoire en train de s'écrire et le passé qui l'informe. D'une œuvre à l'autre, un paysage multiforme se dessine montrant la complexité croissante qu'il y a à saisir les différents aspects des environnements dans lesquels nous évoluons, des environnements à la fois proches et lointains, réels et virtuels, intimes et sociaux. Une complexité sans fin que les œuvres de Libelle, chacune dans leur singularité, ont tenté de saisir, que le projet même de Libelle a tenté de circonscrire dans un laps de temps de presque quatre ans.

Alexandra Baudelot et Rosascape tiennent à remercier chaleureusement tous les artistes et auteurs pour leur très grande générosité ainsi que pour les échanges passionnants qui ont nourris chacune des œuvres et la conception même du projet Libelle.
Un grand merci également aux partenaires de Libelle sans qui le projet n'aurait pu exister : Polyart, Mohamed Badr, Fondation d'entreprise Ricard, Jean-Claude Chianale, Silvana Martino, Maryline Robalo, Catherine Laussucq, le Cneai, Alex Grifeu, ComeBack Graphic, Annalisa et Luciano Campolin.
Et un remerciement particulier à Frédéric Fisbach.

 

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EXPOSITION
Camille Henrot
Jewels from the Personal Collection of Princess Salimah Aga Khan

Du 7 au 22 septembre 2012
Vernissage le 7 septembre de 18h à 21h.


Les 135 planches de l'œuvre Jewels from the Personal Collection of Princess Salimah Aga Khan rassemblent, sous la forme d'un herbier, des espèces végétales – plantes et fleurs – collectées par l'artiste dans les plates-bandes privées qui décorent l'entrée des immeubles de l'Upper East Side, le quartier le plus riche de New York. Si, comme Roland Barthes le souligne(1), les fleurs sont le symbole des choses inutiles et luxueuses, celles qui ont été plantées dans ces décorums urbains ont pour mission de construire une frontière et de figurer, au sens étymologique, l'image du « paradis sur terre ». Un « paradis pour les vivants » comme un écho au paradayadâm, terme qui signifie, en vieux perse, « au-delà du mur » et qui, associé au mot djivadi, énonce ce qui est « vif, vivant, du temps de la vie(2) ».

Les fleurs, prélevées dans ce paradis pour les vivants que constitue l'Upper East Side, sur l'île de Manhattan, sont ici rassemblées sur les fac-similés d'un catalogue de vente aux enchères publié par Christie's. Ce catalogue présente le descriptif de l'intégralité des bijoux de la princesse Salimah Aga Khan mis en vente par Christie's à l'hôtel Richemond, à Genève, le 13 novembre 1995, bijoux reçus au cours de ses vingt-six ans de mariage avec l'Aga Khan. Cette vente intervint lors de son divorce, la même année, l'Aga Khan ayant essayé en vain de l'empêcher par voie judiciaire.

Tout ce qui est luxe, surplus, accumulation, dépense, entretient, selon Michel Leiris(3), un rapport avec l'extase et, par extension, avec le débordement. Les fleurs de Jewels en seraient ici la métaphore, et le descriptif précis de chacun des bijoux, l'inventaire des signes de richesse domestique. Ce débordement tel que présent dans Jewels tient aussi à la symétrie et au redoublement entre le geste de la princesse Salimah Aga Khan et celui de l'artiste Camille Henrot : l'une se débarrasse de l'héritage de plusieurs générations de femmes issues d'une des familles les plus riches du monde – celle de la dynastie des Aga Khan –, tandis que l'autre collectionne les fleurs collectées en passant « au-delà du mur ». Pour les deux : transgression des frontières (celui du paradis pour les vivants) et des codes imposés par les diktats d'une richesse tournée vers les signes de sa propre représentation : transcendance par l'usage et le détournement des codes d'une féminité archaïque, close sur elle-même.

La notion de tonga (ou taonga) sur laquelle se penche Marcel Mauss dans son Essai sur le don(4), paru en 1923-1924, pourrait ici éclairer ce rapprochement. Marcel Mauss constate en effet que la notion de tonga connote, en maori, tahitien, tongan et mangarevan, « tout ce qui est propriété proprement dite, tout ce qui fait riche, puissant, influent, tout ce qui peut être échangé, objets de compensation : les trésors, les talismans, les blasons, les nattes et idoles sacrées, quelquefois même les traditions, cultes et rituels magiques ». Les bijoux et les archétypes du féminins présents dans Jewels pourraient ainsi être considérés comme des objets « tonga-native », en rapport avec les dons utérins, propriétés plus attachées au sol, au clan, à la famille et à la personne.
En somme, l'exposition Jewels from the Personal Collection of Princess Salimah Aga Khan, jouant sur ces connections partielles, invite à s'interroger sur la notion symbolique de « signe de richesse », sur l'inégalité de leur répartition ainsi que sur leur capacité à constituer des compensations, notamment entre les genres.

Née en 1978, Camille Henrot vit et travaille à Paris. Son travail a été présenté au sein de nombreuses expositions personnelles et collectives en France : au musée du Louvre, au Centre Pompidou, au palais de Tokyo, au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, à l'Espace culturel Louis Vuitton, au Jeu de paume, à la Fondation Cartier ; ainsi qu'à l'étranger: au MOCAD de Detroit, à Bold Tendencies à Londres, au National Museum of Contemporary Art de Séoul, au Centre pour l'Image Contemporaine de Genève, au Hara Museum et au Mori Art Museum à Tokyo. Plusieurs de ses films ont également été montrés et primés dans le cadre de festivals tels que la biennale Moving Images à ICA à Londres, le Festival international du film de Rotterdam, le Festival international du film de Clermont-Ferrand, la Quinzaine des réalisateurs à Cannes ou encore le festival Hors Piste au Centre Pompidou. Camille Henrot exposera en septembre au Sculpture Center à New York, et en novembre à la Slought Foundation à Philadelphie. Une exposition personnelle lui est également consacrée à la galerie Kamel Mennour à Paris, « Est-il possible d'être révolutionnaire et d'aimer les fleurs ? » du 6 septembre au 6 octobre.
Elle a été nommée parmi les quatre finalistes pour le prix Marcel Duchamp en 2010.

(1) Voir Roland Barthes, Comment vivre ensemble. Cours et séminaires au collège de France, 1976-1977, édition établie par Éric Marty et Claude Coste, Paris, Seuil, coll. « Traces écrites », 2002. Disponible sur Ubuweb à l'adresse : <http://www.ubu.com/sound/barthes.html>.
(2 )Clarisse Herrenschmidt
(3) Leiris Michel, L'Homme sans honneur, notes pour le sacré dans la vie quotidienne, Paris, Jean-Michel Place, 1994, p. 93.
(4) Disponible sur le site des Classiques des sciences sociales, à l'adresse : <http://classique.uqac.ca/classiques/mauss_marcel/socio_et_anthropo/2_essai_sur_le_don/essai_sur_le_don.html>.

 

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EXPOSITION
ADRIAN DAN
all the s o m e t h i n g i n b e t w e e n (transitory)

Du 15 juin au 28 juillet 2012
Vernissage le 15 juin de 18h à 21h.


Texte de Julie Jones

La recherche de structure et d'organisation formelle qui scande la démarche d'Adrian Dan s'oppose paradoxalement à tout concept de hiérarchie. Perturbant nos habitudes et automatismes, il imbrique et met sur le même plan, espaces réel et virtuel, public et privé, œuvres d'art et matériaux de construction, productions personnelles et pièces « empruntées » à d'autres, figuration et abstraction, image et objet, transparence et opacité, profondeur et platitude…Ainsi, à la classification et aux échelles de valeur, l'artiste privilégie un système de correspondances, de dialogues et d'oppositions. Il met à mal la notion de fonctionnalité, et montre l'inopérance du mythe de la transparence du médium photographique à l'ère des nouvelles technologies. La problématique du point de vue parcourt, avec obsession, l'ensemble des pièces présentées à Rosascape.
Des clichés pris à l'appareil numérique par l'artiste, enregistrant une ou plusieurs vues d'un même espace, celui de Rosascape saisi à différents moments suivant le rythme des montages et démontages d'expositions antérieures, constituent une matière première avec laquelle il compose. Le recadrage et le réagencement des images opérés par la suite, donnent naissance à des ensembles panoramiques grand format [untitled04, untitled05] comme à des pièces plus réduites, apparemment autonomes [untitled02, untitled.black, échelle]. Dans les deux cas, l'image finale est rendue « objet » par sa mise sous diasec, puis par son installation, ici verticalement au mur, là posée au sol sur quelques matériaux de construction, comme des palettes de bois ou des planches de plâtre. Toute tentation de catégorisation de ces œuvres comme de simples photographies ou photomontages reste inassouvie, tant leur dimension sculpturale et leur interdépendance effacent leur identité originelle.
Aucune règle spécifique ne semble diriger à première vue l'organisation de ces compositions, sinon celle de la (dé)construction d'espaces. Grâce aux reflets qu'elle fait naître, leur mise sous diasec redouble les jeux de matières et d'associations ; elle autorise la multiplication des configurations spatiales, à l'image des innombrables points de vue possibles sur une même réalité. Une dynamique d'opposition entre spectacle visuel et mise à distance rythme la déambulation du visiteur au sein de l'espace d'exposition : le jeu des couleurs, des formes, des structures, instaure une irrésistible attraction ; la neutralité et le silence de ces œuvres induit une forme de distanciation. Les renvois complices à l'histoire de l'art et de l'architecture (de Stephen Willats à Sarah Morris, de Carlo Scarpa à Herzog & de Meuron) nourrissent une approche personnelle et contemporaine. Dans [untitled02], un cadrage serré dévoile deux couvertures de livres dont le texte se laisse à peine deviner. Lisses, elles reposent sur un tissu épais de velours rouge appartenant à une pièce de mobilier de Rosascape, et sont surplombées par un niveau à bulle utilisé pendant le montage d'une exposition ; la couleur fluorescente et la matière liquide de l'instrument de mesure tranchent avec les autres éléments et couleurs de l'image. Malgré son ancrage dans le réel, la composition refuse toute promesse de narration, sinon celle de l'abstraction : le coin droit en haut, sombre, semble converser avec une autre œuvre exposée, dont les trois quart sont remplis d'un noir profond [untitled.black]. Mais ne s'agit-il pas plutôt, dans cette dernière, d'un espace construit dans l'univers numérique ? L'intrigue reste complète et introduit un doute sur les frontières entre tangible et immatériel. Elle rend également hommage aux nouvelles architectures et aux relations esthétiques offertes par les outils numériques de création : plus loin, un grand panoramique allie, dans la même image cette fois, ces couples figuration – abstraction, réel – numérique [untitled05]. Il est composé, de gauche à droite, d'une étroite bande noire parfaitement opaque, puis d'un carré blanc divisé aléatoirement par de fines lignes grises parallèles ; le déroulement se poursuit par l'assemblage d'une photographie présentant les dos d'écrans en bois rectangulaires ayant servis à la projection des films d'Ulla von Brandenburg présentés lors de son exposition à Rosascape. Comme un « pli » qui se déploie, la composition est agencée en plusieurs panneaux, organisés selon un parcours allant de l'abstraction totale vers la représentation concrète d'un espace en trois dimensions. L'éclatement de la forme fait écho au bouleversement des langages plastique et architectural opérés dans l'ensemble de l'exposition.
Cette installation rappelle également l'importance du « contexte » dans le processus d'activation de l'œuvre d'art, en proposant une réflexion poétique sur le système de conception, de création, et d'exposition : comment un artiste se nourrit-il du monde qui l'entoure ? Comment sa vision est-elle modifiée par sa rencontre avec d'autres artistes ? Avec différents espaces ? Sous quelle forme peut-il communiquer et laisser ouvertes les interprétations ? Quel rôle joue l'espace d'exposition dans l'élaboration et la finition de la création ? Sous quelles conditions le regard du visiteur peut-il devenir opérant et faire vivre l'œuvre au-delà du temps de son exposition ? Rosascape, en tant qu'élément englobant et plastique, occupe une place déterminante dans cette interrogation de notre perception transitoire et multiple de la réalité. L'installation forme une nouvelle structure physique et mentale ou une « architecture de la pensée » , intimement liée à son contexte d'exposition. Comme devant des façades miroitantes on assiste ici à un jeu de dentelle entre construction physique et reflets. Le caractère flottant de notre perception du réel est évoqué par l'émergence d'images extérieures et intérieures qui se projettent et se transforment. L'invitation au sein de l'espace d'exposition se concrétise parfois presque brutalement, au moyen d'une porte ouverte sur une des pièces de l'appartement [échelle], ou par l'intensité des touches de couleur des diasecs dispersés dans l'espace ; on peut y pénétrer de manière plus énigmatique, lorsqu'on reconnaît ici ou là quelques moulures ou des « traces » d'exposition passées [untitled04, untitled05, échelle]. La frontière entre espace public et espace privé est ainsi constamment remise en question : dans untitled04, un panoramique est composé du reflet d'une scène urbaine et de vues d'intérieur. Deux palettes de bois parallèles imprimées sur une grande feuille de carton y résonnent formellement avec deux lutrins au garde à vue, fragments d'une installation récente de Raymond Gervais . Renvoyée ici à sa structure formelle, cette dernière est finalement investie d'une nouvelle aura par sa mise en relation avec d'autres espaces et d'autres temporalités.
Les dispositifs convoqués par Adrian Dan viennent contredire l'immuabilité de l'œuvre d'art ; ils contaminent la structure intime de Rosascape tout en intensifiant son identité, un lieu des possibles.

Adrian Dan est né en 1985 à Constanta en Roumanie. Il a obtenu en 2011 le diplôme nationale d'arts plastiques avec les félicitations du jury à l'école national supérieure des beaux-arts de Paris.

 

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PERFORMANCE
REMY HERITIER

Le 23 mai à 19h30.

Entrée libre. Le nombre de places étant limité la réservation est indispensable : contact@rosascape.com.
Cette performance s'inscrit en lien avec l'exposition de Raymond Gervais et présentée jusqu'au 25 mai 2012 à Rosascape.

Facing the sculpture est une performance à dispositif variable qui met en jeu sa perméabilité avec une autre œuvre d'art présente dans l'espace de la performance. Son contenu et sa poésie sont le fruit de cette rencontre. Comment deux travaux distincts s'informent-ils l'un l'autre ?
Comment se documentent-ils réciproquement ? Peut-on avoir une meilleure perception/compréhension de A en regardant B et vice-versa ?

Facing the sculpture se présente comme une collection de séquences chorégraphiées dont les enjeux sont de donner à percevoir la durée, l'espace, la matérialité d'une danse ou de tout autre corps, l'espace qui sépare un élément d'un autre, le temps qui sépare un élément d'un autre élément matériel, mental, historique ou intangible ; d'articuler ces données comme autant de possibilités de se rendre présent à ce que l'on voit, à ce que l'on perçoit et aux associations que ce regard - présence provoque.
L'exposition de Raymond Gervais à ROSASCAPE me demande de fouiller dans mes propres pièces ce qu'elles contiennent, convoquent ou opposent à l'apparition d'un son, d'une musique, à la fin du XIXème siècle, à la littérature irlandaise d'expression française, au minimalisme canadien, aux salons parisiens…

Facing the sculpture est une tentative de rassembler, en un point et un temps donnés, le maximum de pensées et d'actes liés à deux œuvres que rien ne semble rapprocher à première vue.
Remy Héritier

Facing the sculpture a d'abord été présentée en 2009 en compagnie de Jeune Fille Orrible – un principe d'infamie lyrique en trio qui manipule et élabore du bruit acoustique sans aucune sonorisation. puis s'est ensuite confrontée en 2010 à un paysage post-industriel dont les éléments bâtis faisaient directement référence à la sculpture minimale des années 60. En 2011 l'expérience a été renouvelée à l'invitation de Guillaume Robert et de son installation La paupière, le seuil au centre d'art les Eglises à Chelles.

Rémy Héritier est né en France en 1977. Il vit à Paris.
Depuis 2005 il a créé successivement Arnold versus Pablo (duo), Archives (sextet) domestiqué coyote (solo), Atteindre la fin du western (quintet), Dispositions (solo), Chevreuil (quintet), Facing the sculpture (quartet), une étendue (quartet). Son travail à été présenté par le Centre Pompidou – Spectacles Vivants – Paris, Fondation Cartier pour l'Art Contemporain-Paris, Les Laboratoires d'Aubervilliers, La Villette – Paris, Montpellier Danse, ImpulsTanz festival- Vienne, TanzQuartierWien, Çati Dans- Istanbul, PACT-Essen, Festival Latitudes Contemporaines – Lille, Festival Mettre en Scène- Rennes, Kaaitheater Bruxelles, le Plateau FRAC Ile de France, Les Eglises centre d'art de la ville de Chelles…
Depuis 1999 il a été interprète auprès de Philipp Gehmacher, Mathilde Monnier, Jennifer Lacey, Loïc Touzé, Laurent Pichaud, Christophe Fiat, Laurent Chétouane, Sylvain Prunnenec, Matthieu Kavyrchine… En 2008-09 il a été artiste associé au Laboratoires d'Aubervilliers.

 

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PERFORMANCE
SYLVAIN CHAUVEAU

Le 9 mai à 19h30

Réservation indispensable à contact@rosascape.com

"N'écouter les conseils de personne, sinon du vent qui passe et nous raconte l'histoire du monde".

Cette phrase de Claude Debussy a été importante pour moi, au point de m'en servir pour intituler un très court morceau en 2004 (Sinon le vent qui passe). Elle sera aussi l'un des points d'ancrage de ma performance à Rosascape, présentée au cours de l'exposition de Raymond Gervais, pour évoquer à la fois Debussy et Samuel Beckett. Cette citation de l'un des musiciens français les plus marquants me fait également penser au Kill Yr Idols du groupe américain Sonic Youth (pour rejoindre ma culture rock) et formule un principe commun à la plupart des avant-gardes artistiques : chercher à se défaire de ses modèles actuels ou passés.
Le thème du vent sera présent dans ma prestation de manière directe et musicale. Debussy lui-même l'a énormément évoqué dans les titres de ses pièces : Ce qu'a vu le vent d'Ouest, Le Vent dans la plaine, Dialogue du vent et de la mer, ou encore Pour invoquer Pan, dieu du vent d'été.
L'autre élément prépondérant chez l'auteur des Préludes est évidemment le piano, l'instrument symbolisant la toute puissance du compositeur, élément qui fut également central dans mon travail à mes débuts et pendant une bonne dizaine d'années. Le piano sera donc aussi au cœur de ma performance. Il fera le lien avec la figure de Beckett, amateur de musique et pianiste à ses heures (jouant notamment Debussy). Mais ce piano restera toujours austère et minimaliste, suivant une esthétique que j'ai toujours voulu suivre et qui fait écho à des aspects essentiels du style de l'écrivain irlandais.
Pour rejoindre définitivement Beckett, j'utiliserai le chant pour fondre dans la musique son ultime poème What is the word (connu en Français sous le titre Comment dire), un texte qui aura constitué l'un des points de départ de l'exposition de Raymond Gervais.
Sylvain Chauveau

Sylvain Chauveau est l'auteur de disques en solo sur les labels anglais Type, FatCat, Creative Sources et Les Disques du Soleil et de l'Acier : des compositions privilégiant le minimalisme, la douceur des timbres, les longues résonances et laissant une place au silence. Il se produit en concert en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. Il compose régulièrement pour le cinéma et pour la danse contemporaine et dirige le label Onement dont la fonction est de sortir des disques à un seul exemplaire.

 

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SEMINAIRE EN APPARTEMENT
Room, Freedom

Une proposition de Simone Frangi

Vendredi 6 avril : Roman Schmidt à 18h et Jean Clam à 19h30
Samedi 7 avril : Emmanuel Alloa à 16h30 et Simone Frangi à 18h
Entrée libre. Réservation obligatoire : contact@rosascape.com

Le projet Room, Freedom explore les questions de l'espace privé et intime comme lieu de pratiques culturelles, politiques et sociales, et zone de déplacement de la réception des formes artistiques et théoriques.
Ce programme est pensé sous la forme d'une série de séminaires en appartement, s'attachant à se ressaisir autrement du territoire du privé comme véritable contre-espace critique, à l'image des « utopies localisées » désignées par Foucault : des espaces hors normes, habités d'expériences singulières. Ces expériences, loin d'être refermées sur elles-mêmes, nous amènent à tisser des relations actives entre espace privé et public, à questionner ce que ce dernier peut instituer comme normes afin de les réfléchir autrement.

Room, Freedom, titre générique donné à ces séminaires en appartement, dérive de la phrase d'Emily Dickinson : « This is the room of my freedom ». Cette formule désigne l'essence d'une activité protégée qui serait en même temps penchée sur le vertige de l'espace public. L'espace émerge ici dans sa double nature : à la fois comme réalité physique et comme champ virtuel de l'action.

Programme :

Vendredi 6 avril 2012


Roman Schmidt à 18h
Espace privé, dissidence et internationalisme


En 1942, Marguerite Duras emménage dans un grand appartement au 5, rue Saint-Benoît. Cet espace privé sera pendant longtemps un lieu d'amitié et de solidarité, où se retrouveront nombre d'écrivains antistaliniens et anticolonialistes de Saint-Germain-des-Prés. « C'était comme une maison initiale, notera Duras, beaucoup plus tard. Même à titre prémonitoire, ça nous fait entrevoir ce que pouvait être le communisme, l'attente commune. » À partir de la formule de Hölderlin, die Psyche unter Freunden (« la pensée entre amis »), Roman Schmidt s'intéresse à la possibilité d'un être en commun que le groupe d'amis de la rue Saint-Benoît avait pu entrevoir dans l'intimité de l'appartement, pour l'expérimenter, plus tard, au-dehors. À l'aide de lettres, manifestes, entretiens et revues liés à l'expérience historique de la rue Saint-Benoît, Roman Schmidt articulera une réflexion sur le privé comme espace d'« anticipation » des événements à venir dans la sphère publique.

Roman Schmidt est journaliste à Courrier international. Il prépare une thèse, en cotutelle franco-allemande, sur « La Lettre internationale et Liber ». Son travail sur la Revue internationale de Blanchot est paru en allemand sous le titre Die unmögliche Gemeinschaft (Berlin, Kadmos Kulturverlag, 2009).

Jean Clam à 19h30
« Appartementement ». L'intimisation de l'espace


En adoptant comme point de départ l'un des concepts centraux de son ouvrage L'Intime. Genèses, régimes, nouages, Jean Clam mènera une réflexion sur la conformation spatiale de l'intimité contemporaine et sur son lien étroit avec l'espace privé : « C'est la carrière de l'intimité dans la culture occidentale qui se laisse retracer à partir des enclos spatiaux qu'elle se donne. Chacun de ces enclos s'associe à un type d'intériorité et d'expérience relationnelle. L'exploration des espaces de l'intime débouche sur une reconstruction de la fantasmatique de l'intime comme "être-à-part", dans un appartement – au sens verbal du terme. » Son intervention traitera de l'espace privé comme lieu de la communication. On essayera d'extraire de cette perspective une réflexion sur la portée sociologique et politique de ce mouvement d'intimisation qui se joue dans l'espace de l'appartement.

Jean Clam est philosophe, sociologue et psychologue, chercheur au CNRS (CERSES : Centre de recherche « Sens, Éthique, Société », Paris). Parmi ses publications en français : Trajectoires de l'immatériel. Contributions à une théorie de la valeur et de sa dématérialisation, Paris, CNRS Éditions, 2004 ; L'Intime : genèses, régimes, nouages, Paris, Ganse Arts et Lettres, 2007 ; Aperceptions du présent. Théorie d'un aujourd'hui par-delà la détresse, Paris, Ganse Arts et Lettres, 2010.

Samedi 7 avril 2012

Emmanuel Alloa à 16h30
Du coin de l'œil. Esthétique de l'inapparent


L'espace public a-t-il un revers, une sorte de réserve, un espace privé ou intime qui permettrait le retrait ? À partir de cette question, Emmanuel Alloa soutiendra que l'intimité n'est pas une affaire d'espace, mais de regard : il y a intimité quand on ne se sent pas observé. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu'on n'est pas exposé à une autre forme de regard : sans doute l'intime et le privé génèrent-ils chacun leur forme de visibilité. Il s'agira d'explorer l'hypothèse que ce qui nous est trop proche devient non pas invisible mais inapparent. Peut-il y avoir une esthétique de l'inapparent qui se soucierait des franges et des marges des objets, de tout ce qui ne se laisse pas objectiver, de tout ce qui habituellement demeure inaperçu mais constitue néanmoins comme la coulisse tacite sur fond de laquelle surgissent les objets ?

Emmanuel Alloa est maître de conférences au département de philosophie de l'université Saint-Gall (CH) et Senior Research Fellow au eikones/PRN Critique de l'image à Bâle. Parmi ses dernières publications : « Le contemporain, l'intempestif et l'imminent », in Pylône Magazine, 8 (numéro spécial, Qu'est-ce que le contemporain ?, 2012).

Simone Frangi à 18h
Topologie de l'espace privé


Prenant appui sur Gaston Bachelard, Ernst Bloch, Gilles Deleuze et sur la théorie de l'art et de l'architecture (la critique du White Cube de Brian O'Doherty et la critique du White Wall de Mark Wigley), Simone Frangi explore la « matière du privé » et sa structure topologique, afin de saisir les changements structuraux des formes de la représentation et de la communication, dans un environnement non neutre et avec une forte surcharge pratique et symbolique. Cette analyse de l'espace privé en tant que structure parallèle à l'espace public sera l'occasion d'une nouvelle articulation de l'imaginaire du « dehors » et du « dedans » et des notions politiques, culturelles et sociales qui s'y rattachent.

Simone Frangi, docteur en esthétique et théorie de l'art, est chercheur en philosophie contemporaine et critique d'art. En mai et juin 2012, il sera théoricien résident à Viafarini-DOCVA – Center for artistic research and documentation for Visual Arts. Parmi ses publications récentes : « The athlete is the artist, the artist is the athlete. A reading of Matthew Barney's Hypertrophy », Rheinsprung 11, no 3, Basel, 2012 ; « Phénoménologie de l'espace et théorie de la forme. L'influence de Maurice Merleau-Ponty dans l'esthétique de Robert Morris et Robert Barry », dans Maurice Merleau-Ponty et l'esthétique aujourd'hui, Paris, Mimesis, 2012.

 

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EXPOSITION
ULLA VON BRANDENBURG
Le chevalier inexistant

Du 15 février au 31 mars 2012.
Vernissage le 15 février de 18h à 22h.

Le chevalier inexistant. Glossaire minimal

Chevalier inexistant, Le Roman chevaleresque d'Italo Calvino écrit en 1959. Y sont racontés les hauts faits d'Agilulfo, paladin imaginaire de Charlemagne qui n'est autre qu'une armure vide, un fantoche de métal que le sens du devoir maintient à la verticale. Le blason de ce "chevalier inexistant" semble sorti de l'imagination d'Ulla von Brandenburg : c'est un écusson qui représente une tenture ouverte, au centre de laquelle un autre écusson apparaît qui représentant une tenture ouverte, au centre de laquelle un autre écusson apparaît représentant encore une tenture ouverte, et ainsi de suite à l'infini dans un parfait exemple de mise en abyme. (Voir « Miroir »).

Jeu Echiquier, paquets de cartes, dés : les jeux classiques apparaissent très souvent dans l'iconographie d'Ulla von Brandenburg, aussi bien dans les films (y compris Le chevalier inexistant) que dans les dessins et les installations. Certains aspects du jeu – le manque de finalités pratiques, les règles, le divertissement – le rapprochent de l'un des principaux intérêts de l'artiste, le théâtre ; d'autres aspects – la compétition, le bluff – l'apparentent aux joutes de la vie sociale, dont c'est la version sublimée. Le maillon qui relie ces trois mondes – vie sociale, jeu et théâtre – est une œuvre de 2007, Karo Sieben ( "Sept de carreau") : un grand socle carré haut de quelques centimètres, une sorte de scène à même le sol, recouvert d'un patchwork de tissus colorés qui en fait un échiquier. Un échiquier idéalement assez grand pour accueillir des hommes et des femmes pions.

Losange Parmi tous les motifs qu'elle utilise dans ses œuvres, le losange est celui qu'Ulla von Brandenburg préfère, celui qui revient le plus souvent. Ce qui pourrait s'expliquer par son ambivalence : c'est un motif héraldique notoire (on le retrouve, par exemple, dans le blason des princes de Monaco) mais il est communément associé au costume d'Arlequin, le valet de la Commedia dell'Arte. Ce dernier, à son tour, est un personnage double : ingénu et rusé, humble serviteur sur scène et effroyable démon dans les vieilles légendes populaires. (Son masque noir d'oiseau de proie est un reste de ces légendes). Losange, serviteur de deux maîtres.

Miroir Absents dans les installations d'Ulla von Brandenburg, les miroirs apparaissent en revanche assez fréquemment dans ses films. Ils contribuent à leur atmosphère métaphysique en faisant apparaître une scène dans la scène, de laquelle nous observent les doubles silencieux des personnages et des objets. Dans Le chevalier inexistant les deux personnages masculins se regardent dans le miroir pour se maquiller de façon théâtrale. Leur dédoublement fait référence au dédoublement du film lui-même : Le chevalier inexistant est constitué de deux projections, apparemment identiques si ce n'est que chaque élément qui apparaît à gauche dans l'une, se retrouve à droite dans l'autre et vice et versa. (Le jeu spéculaire se répète dans les motifs chromatiques des deux tentures qui complètent l'installation). Il est fascinant de savoir que l'effet n'a pas été obtenu en imprimant une copie inversée de la pellicule, mais en tournant deux fois le film, la deuxième fois en inversant méticuleusement tous les mouvements des acteurs et la place des objets dans la scène. En principe, ce reflet engendre un principe récursif : tout comme l'image des acteurs réfléchie dans le miroir est amplifiée dans le film dédoublé, il est ainsi logique d'imaginer une installation qui reflète les deux films (et les deux tentures) les dédoublant en quatre, et une autre reflétant ces derniers et donnant ainsi vie à huit films, et ainsi de suite à l'infini, selon la règle de la mise en abyme (voir Chevalier inexistant, Le).

Noir et blanc Tous les films d'Ulla von Brandenburg sont en noir et blanc. Ce choix, au dire de l'artiste, s'explique par la volonté de conférer à ses images une qualité atemporelle, difficile à situer dans une époque en particulier. Mais il y a aussi une possible référence à la photographie et au cinéma surréalistes où le noir et blanc est utilisé, d'une façon troublante, pour rendre incertains les contours entre ce qui est animé et ce qui ne l'est pas, entre le corps vivant et ses simulacres. (C'est ce que Roxanna Marcoci a appelé « l'effet Pygmalion »). Et dans beaucoup de ses films Ulla von Brandenburg met en scène, à côté des personnages vivants, des cadavres sur leur lit de mort et des fantômes.
Dans Le chevalier inexistant, l'ambiguïté constitutive du noir et blanc est mise en évidence grâce à un petit jeu métalinguistique. Le personnage féminin montre ses mains gantées et demande « De quelle couleur sont-ils ? ». Un des personnages masculins répond « On dirait du turquoise foncé » ; l'autre en revanche répond simplement « Je ne vois pas, le film est en noir et blanc ».

Singspiel Jusqu'à Singspiel, en 2009, les films d'Ulla von Brandenburg ont été dépourvus de bande son. Dans ce film, et dans les autres qui l'ont suivis, le son fait son entrée non pas sous forme de bruit ou de dialogues, mais sous forme de musique et de chant : les personnages, vraisemblablement en train de discuter d'après leur posture, chantent à tour de rôle les strophes d'une chanson. Explicite dans le titre même, il s'agit une référence à "singspiel", une représentation théâtrale populaire qui alternait les parties récitées et les parties chantées et qui était très répandue dans les pays de langue allemande au XVIIIème et XIXème siècle. La voix des bandes son d'Ulla von Brandenburg (qu'il s'agisse de la voix de l'artiste elle-même ou de quelqu'un d'autre) est pourtant souvent toujours identique, même quand ce sont des personnages différents qui chantent, sans distinction d'âge ou de sexe. Avant de l'appliquer dans ses films, c'est un expédient qu'Ulla von Brandenburg avait déjà expérimenté depuis quelques années dans ses performances basées sur le playback. Cela a pour effet de faire apparaître chaque acteur comme « un médium temporairement possédé par un même esprit lyrique » (Chris Sharp).

Tenture Le pan de tissu mobile est peut-être l'élément le plus caractéristique et le plus connu du travail d'Ulla von Brandenburg. Il a pris des formes différentes au cours du temps, qui tendent cependant vers deux modèles principaux : la toile de stand d'exposition et le rideau de théâtre. Dans tous les cas, la tenture est l'élément qui signale et qui délimite un espace différent de l'espace de la vie quotidienne, réservé à la représentation et à la fiction.
Il n'est pas dit, naturellement, que la simulation soit limitée à cet espace seulement. Dans l'installation Five Folded Curtains (2008), le spectateur traversait des rideaux de théâtre rouges dans le seul but de découvrir un espace identique à celui de départ : les deux côtés du rideau pouvaient être considérés comme une scène. The world is a stage.

Simone Menegoi
Traduit de l'italien par Céline Portes.

 

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EXPOSITION
KATINKA BOCK
Les mots de demain

Du 9 décembre 2011 au 3 février 2012.
Vernissage le 9 décembre de 16h à 23h.
Performance de Christian Jendreiko à 19h30.

Katinka Bock présente volontiers des souvenirs sous l'aspect d'empreintes, frottages, pliages, ou encore flaques d'eau sur le sol d'un lieu d'exposition. Ses œuvres, en tant que reliques révélant la temporalité du processus créatif, sont comme les témoins d'une sorte de stase, ou peut-être d'une intériorisation d'actions. Dans l'exposition Les Mots de demain, le visiteur découvre ainsi un grand nombre de ces traces, qu'il parcourt comme autant de couches sédimentaires.

Les traces matérielles d'une nuit se présentent au public sous la forme d'empreintes sur un matelas d'argile (Le Lit (une nuit), 2011). L'artiste a passé une nuit couchée sur un bloc de terre crue avant de cuire l'objet pour immortaliser les traces laissées par son corps et ses mouvements au cours de cette nuit.
Dans la pièce d'angle de Rosascape, on découvre des traces de couleur bleue que l'artiste a appliquées sur les vitres (Blaue Stunde Raum, 2011).
D'autres traces relevées à Paris, ville d'élection de Katinka Bock, entrent en jeu : pendant un an, elle a recueilli et collectionné des morceaux de ficelle, de lacets et de ruban (United for Paris, 2011). En nouant ces débris bout à bout et en les tendant à travers l'espace de Rosascape, Katinka Bock trace une ligne qui parcourt les salles d'exposition. Il s'agit moins d'illustrer un transfert de traces de notre civilisation que d'opérer une translation vers une dimension à la fois psychologique et physique.

(Extraits du texte de Kathleen Rahn)

Lire l'intégralité du texte.
Voir le Libelle réalisé par Katinka Bock.

 

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EXPOSITION
FABIEN GIRAUD
Du Mort Qui Saisit Le Vif (la maison du dehors)

Du 28 novembre au 3 décembre 2011.
Vernissage le 28 novembre de 16h à 23h.
Rencontre avec Quentin Meillassoux et Fabien Giraud, le 29 novembre à 19h.
Rencontre avec Ida Soulard, Sam Basu et Tom Trevatt, le 1er décembre à 19h.
Finissage le 3 décembre de 18h à 23h.
Réservation : contact@rosascape.com

Plus d'informations sur les rencontres.

Dans le cadre de son exposition à Rosascape, Fabien Giraud présente plusieurs pièces inédites rassemblées sous le titre Du Mort Qui Saisit Le Vif (la maison du dehors). Sous ce titre générique autant que programmatique, les œuvres qui sont exposées à Rosascape s'inscrivent dans un projet au long cours pensé comme une sorte d'épopée technique qui pourrait se résumer ainsi : la technique n'est pas le privilège de l'homme.

« Il faut imaginer un homme ignorant qui regarderait les choses seules, détachées de toute connaissance quant à leur origine. Pour lui, un galet serait semblable à un nid, un barrage de castor à une palissade usée au fond d'un terrain vague, un buisson couché sur une côte escarpée à la dernière voiture sortie des usines Nissan. Dans ce monde d'équivalence, où tous les objets seraient alignés sans distinction d'appartenance à un ordre du vivant, sans projection d'intentionnalité, rien ne distinguerait en propre la production de l'homme de celle de la nature. Pour lui, la technique serait alors tout autant le processus de nidification des oiseaux que la soudure des composants électroniques dans une usine à la chaîne ; ce serait tout aussi bien le lent travail de polissage d'une rivière sur la pierre que le moulage des pistons dans une fonderie d'acier. Désormais, avec lui, il faudrait dire que la technique n'est pas le privilège de l'homme, mais au contraire, une force naturelle parmi d'autres. Il faudrait affirmer que nous n'avons jamais été les irréductibles propriétaires de la technique mais une simple expression de son travail dans le monde au-dehors.
Du mort qui saisit le vif déploie les conséquences d'un tel postulat. Depuis ce monde sans nous, où rien n'appartient à rien, où tout semble avoir irrémédiablement basculé au-dehors, il s'agit de développer une pratique possible au sein d'une telle condition. Pour ce faire, l'art viendrait à retrouver son nom des origines, tekhnè. Un art prémoderne, en quelque sorte, qui n'aurait rien à voir avec les catégories esthétiques du jugement ou du goût, mais serait en prise directe avec le mouvement ontologique de la technique en tant qu'elle est constitutive de notre présence au monde.»

Dans le cadre de son exposition personnelle à Rosascape, Fabien Giraud présente le deuxième volet1 de cette œuvre au long cours. Du mort qui saisit le vif (La maison du dehors) est une exposition polymorphe, dont tous les éléments participent d'une même physique.

Le La Mort est un des éléments de cette physique. Cette œuvre se compose de 15 livres qui reproduisent à échelle 1/1 les images des sculptures présentées à Forde en septembre et octobre dernier. Chaque ouvrage est éventré en son milieu par un second livre qui contient le script d'une conversation entre Fabien Giraud et Vincent Normand. À la fois commentaire et origine des œuvres, ce dialogue, intitulé Metaxu, est le point central de l'exposition. À travers lui se dessine et se dresse La maison du dehors, première partie de l'épopée technique Du mort qui saisit le vif.

C'est depuis ce projet de livres et son premier mouvement physique que se détermine la série d'œuvres présentées à Rosascape. Un dessin (La maison du dehors. Plan) est réalisé avec les restes de bois carbonisés utilisés pour les sculptures de La maison du dehors présentées à Forde : la matière est appliquée en couches successives jusqu'à dresser d'elle-même la feuille de papier dans l'espace d'exposition. Les caractères de plomb utilisés pour les livres, via la technique d'impression sur linotype, sont fondus dans une nouvelle forme à même le sol de Rosascape (Metaxu – Saturne). Les dialogues de Metaxu font l'objet d'un film dont tous les éléments de décor sont réagencés dans l'espace pour sa projection. Enfin, Un caillou posé sur une pierre, une pierre posée sur une roche, une roche posée sur le minéral annonce la deuxième partie projet Du mort qui saisit le vif, qui sera présentée dans les mois à venir.

Fabien Giraud pose ici les bases de sa méthode de pensée. Une pensée qui n'emprunterait pas simplement à la philosophie son mode discursif et logique de déploiement, mais se dresserait depuis la contingence radicale des matériaux et des forces qui la conditionnent.

1Le premier volet a fait l'objet d'une exposition présentée à Forde à Genève, du 15 septembre au 29 octobre 2011. Plus d'informations sur www.fordesite.com

Une série de rencontres est proposée pendant cette semaine d'exposition.
Plus d'infos sur les rencontres ici.

 

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RENCONTRES
LA MATIERE DE LA CONTRADICTION
À propos de l'art sans l'esthétique

Rencontres organisées le 29 novembre et le 1er décembre 2011 dans le cadre de l'exposition de Fabien Giraud.
Réservation à contact@rosascape.com.


« Longtemps la pensée a fait pression sur les objets, peut-être le temps est-il venu aux objets de faire pression sur elle en retour. »

La Matière de la contradiction est une proposition spéculative en vue d'une future théorie de l'art.
La Matière de la contradiction est un symposium qui vise à rendre compte des courants récents de la pensée post-continentale et à les situer par rapport aux pratiques artistiques contemporaines.

Au cours des cinq dernières années, des philosophes français, britanniques et américains ont remis en question notre dépendance supposée à la tradition post-kantienne. Ces philosophies, regroupées sous la rubrique du « réalisme spéculatif », ont pour axe commun un rejet des philosophies de l'accès que Quentin Meillassoux qualifie de « corrélationnisme », et qui prétendent que l'on ne peut parler du monde que d'un point de vue humain. Il nous paraît de plus en plus important de comprendre comment ces idées se rapportent à l'art et au discours du commissariat d'exposition. Si les choses du monde n'existent plus seulement par la manière dont elles s'offrent à nous, comment opérer le retournement nécessaire à une pensée des objets artistiques ?

Mardi 29 novembre à 19H
Dialogue entre Quentin Meillassoux et Fabien Giraud.

Jeudi 1er décembre 2011 à 19H
Fabien Giraud animera une discussion entre l'artiste et directeur de Treignac projet, Sam Basu, l'historienne de l'art Ida Soulard, et le commissaire d'exposition Tom Trevatt. Chacun présentera sa recherche dans ces domaines. Ce symposium, dont la première partie est présentée à Rosascape, sera accompagné d'une table ronde qui se tiendra à Londres au mois de décembre. Ces deux symposiums sont les points de départ d'un itinéraire qui aboutira à un colloque de plus grande ampleur en septembre 2012 à Treignac projet dans le Limousin.

 

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RENCONTRE
BENOIT MAIRE
Esthétique des différends

Rencontre entre Benoît Maire, Corinne Enaudeau et Bruno Bosteels.
Le 11 novembre à 19h30.

Esthétique des différends (projet entamé en 2008) est un livre d'artiste qui documente la recherche en cours de Benoît Maire sur le « différend » - concept emprunté au philosophe Jean-François Lyotard. Cet ouvrage produit et édité par Rosascape constitue une œuvre d'art en soi, doublée d'une recherche philosophique et artistique sur les questions essentielles que sont la postmodernité et la signification de l'œuvre d'art post-conceptuelle.

Une première livraison de textes et d'images a été proposée en janvier 2011 sous la forme d'un ensemble de cahiers imprimés articulés autour d'une première séquence intitulée « Ontologie de l'il y a ».
Une deuxième livraison est prévue pour février 2012. Entre ces deux éditions, Benoît Maire poursuit son travail et ses recherches artistiques autour de la notion du « différend ».
Cette rencontre à Rosascape est l'occasion pour benoît Maire de revenir sur les investigations de la première séquence. En compagnie de Corinne Enaudeau et de Bruno Bosteels, il s'agira d'évoquer entre autre la philosophie de Jean-François Lyotard, mais aussi celles de Lacan et de Badiou pour poser de nouvelles pistes de réflexions.

Plus d'informations sur Esthétique des différends ici.

 

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EXPOSITION
BERGER&BERGER
Altered States
Laurent P. Berger et Cyrille Berger

Du 7 octobre au 24 novembre 2011.
Vernissage le 7 octobre de 16h à 23h.
Rencontre avec Bertrand Westphal, le 21 octobre à 19h.
Rencontre avec Federico Nicolao, laurent P. Berger et Cyrille Berger, le 15 novembre à 19h30.


Laurent et Cyrille Berger, qui collaborent depuis 2006 sous l'identité de Berger&Berger, produisent une œuvre qui se situe simultanément dans les champs de l'architecture et des arts plastiques.
Altered states est l'exposition d'un ensemble de pièces soumises aux phénomènes de disparition et d'émergence.

Une exposition à l'instar d'un transfert. Une suspension temporelle, un trouble géographique. Altered States présente des « objets spéculatifs » ; des objets ou des sculptures, réels ou (et) fictionnels. Des objets d'origine organique et minérale, qui ne répondent pas à des fonctions, mais qui produisent leurs propres contraintes physiologiques et psychologiques. Une exposition "réelle" (un parquet, des étais, une carte, un globe, des images, etc.) qui produit une troublante irréalité, non pas une fiction délibérée, mais un réalisme exacerbe. Ces pièces ne constituent pas une succession de dispositifs disparates, mais un ensemble d'entités composant un espace domestique singulier.

Lire le texte de Federico Nicolao.

 

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RENCONTRE
La galerie Michel Rein accueille Rosascape pour une rencontre avec Dora García autour de Fernand Deligny

Mardi 27 septembre à 19h.
Réservation au +33 1 75 50 05 80.

Dans la continuité du livre d'artiste "Mad Marginal / Archives" de Dora García produit et édité par Rosascape, la galerie Michel Rein accueille Dora García pour une rencontre autour de la figure de Fernand Deligny, en présence de Bertrand Ogilvie et de Sandra Alvarez de Toledo.

Dora García présente actuellement au pavillon espagnol de la Biennale de Venise le projet "The Inadequate". "The Inadequate" est une performance étendue sur toute la durée de la Biennale qui se présente sous forme de monologues, dialogues, débats, silences et interventions théâtrales. Une grande collection d'objets et de documents sont présentés et cités dans le cadre de cette performance. Une des pièces clés de ce projet est le fac-similé d'un dessin du "réseau Déligny", "Le Serret, juin 1976.", dont l'original a été gracieusement prêté par Sandra Alvarez de Toledo pour reproduction.
Pour cette rencontre, Dora García propose une conversation qui prend pour référent ce dessin comme introduction aux thèmes du corps, de la topographie et de la volonté présents dans le travail de Fernand Deligny.

Plus d'informations sur « Mad Marginal / Archives »
Lire le texte de Théodora Domenech
Ecouter l'entretien réalisé avec Dora García

 

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EXPOSITION DE VITTORIO SANTORO A ROSASCAPE
Que tout le monde vive comme si personne
« ne savait » : some script works

Du 10 juin au 29 juillet 2011

Vittorio Santoro présente à Rosascape une série de « script works », qui sont des « pièces activées par d'autres personnes » à partir d'une règle imposée par l'artiste. Ces personnes deviennent donc co-auteurs d'une pièce. Il faut insister sur le fait que chaque pièce, quelque soit le nombre de ses éléments, constitue une seule œuvre, et non plusieurs. Ce qui lui donne son unité, c'est moins le script lui-même, que la notion d'acte et de participation à un processus commun.
L'œuvre n'est jamais réductible à l'objet qui la compose, sans que pour autant cet objet ne soit qu'un prétexte pour illustrer des réflexions théoriques, conceptuelles, etc. Tout d'abord, l'œuvre se compose rarement d'un seul objet, généralement il s'agit plutôt d'une mise en scène ou d'un dispositif composé. Ensuite, dans le cas des objets uniques, ceux-ci sont toujours porteurs de la trace d'interventions passées. L'objet est un support, non pas pour exposer une idée qui se suffirait à elle-même, mais un support à la réactivation de l'œuvre.
L'œuvre est ainsi une totalité, qui prend en compte le domaine de la pensée, autant que le travail sur la mise en espace des objets, mais dont l'essentiel se trouve dans l'acte, et la notion d'activation d'un script. Le spectateur-participant est invité à se demander de quelle nature est cet acte. Et qu'est-ce qui en garantit l'unité, malgré l'extrême diversité des participations ?

Lire le texte de Theodora Domenech
Lire le texte de Jacinto Lageira sur l'exposition
Ecouter l'entretien réalisé avec Vittorio Santoro

 

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MAD MARGINAL / ARCHIVES
Un livre d'artiste de Dora García
Livraison en Mai 2011.

Une édition de 10 exemplaires en français, 10 en espagnol, 10 en italien et 10 en anglais, numérotés de 1 à 10 pour chaque édition et signés par Dora García.

Le livre d'artiste MAD MARGINAL s'inscrit en parallèle du projet éponyme sur lequel Dora García travaille depuis 2009. Sous la forme d'une boîte d'archive, ce livre d'artiste rassemble 37 documents (textes, photos, dvd, cd, emails, entretiens et conversations, livrets, etc.) ayant nourris la recherche de Dora García pendant ces deux ans. Ces documents sont ici reproduits à l'identique sous la forme de facsimilés. Traitant de la marginalité comme d'une position artistique et politique, Dora García s'intéresse aux différentes significations qu'une telle position peut recouvrir ainsi qu'à la contradiction et à la beauté de l'artiste comme figure marginale. Ses recherches ont démarré avec la lecture de textes écrits par le psychiatre et essayiste italien Franco Basaglia (durant les années 1960, celui-ci fut entre autre l'organisateur à Trieste et à Gorizia des communautés thérapeutiques qui défendent le droit des individus psychiatrisés. Son combat est à l'origine en Italie de la Loi 180 (1978) visant la suppression des hôpitaux psychiatriques). Le projet Mad Marginal s'inscrit essentiellement dans le contexte de la ville de Trieste où la « Révolution Basaglienne » s'est mise en place entre 1971 et 1978. Les recherches de Dora García pour Mad Marginal incluent également des textes de penseurs et d'intellectuels tels que Fernand Deligny, Michel Foucauld, David Cooper, Ronald David Lang ; des écrits d'écrivains et d'artistes tels que Jack Smith, Antonin Artaud, Lenny Bruce, James Joyce, Italo Svevo, Robert Walser, etc.
En résonnance avec ce projet, le livre d'artiste reproduit une grande partie des archives que Dora García a rassemblées depuis 2009. Dès le départ de Mad Marginal, le livre d'artiste et les matériaux qui y figurent, furent pensés comme un tout qui rassemble, documente et nourrit le processus de recherche et le projet artistique. La restitution des différentes topographies propre à la nature des documents (textes extraits de sites internet, tract, livret pédagogique, emails, etc.), à leurs époques (documents des années 70-80 et contemporains), à leurs formats et techniques d'impressions (photos numériques, DVD, CD, photocopies, livres, impressions numériques, etc.) offre une immersion dans le réseau complexe des documents qui fondent le travail de Dora García.

Le livre sera intégré et exposé dans l'exposition que Dora García présente au Pavillon espagnol de la Biennale de Venise 2011 (4 juin – 27 novembre 2011).

Lire le texte de Theodora Domenech.
Ecouter la rencontre avec Dora Garcia.

 

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Esthétique des différends
Un projet de Benoît Maire
Une œuvre éditée en 25 exemplaires en français et 25 exemplaires en anglais, numérotés et signés.
À partir du 15 janvier 2011.

Depuis 2009, Benoît Maire poursuit des recherches sur « l'esthétique des différends ». Notes, dessins, ébauches de sculptures, photomontages, collages et peintures sont rassemblés pour mesurer l'équilibre précaire entre l'image et son concept. Benoît Maire entend ainsi trouver l'endroit mental et plastique où peut éclore une esthétique. Le « différend », notion empruntée à Jean-François Lyotard et à son livre au titre éponyme, permet ici d'aborder deux paradigmes qui structurent l'art post-conceptuel : le relativisme et la forme linguistique.
« Esthétique des différends » est un projet construit en plusieurs étapes. Le livre s'architecture en différents cahiers glissés à l'intérieur d'une boîte qui archive le projet. L'œuvre ainsi livrée en date du 15 janvier 2011 se présente dans une forme inachevée. D'autres cahiers viendront progressivement l'enrichir sur une durée non définie par l'artiste. Les personnes et structures ayant fait l'acquisition de cette œuvre recevront régulièrement d'autres cahiers jusqu'à ce que Benoît Maire décide de la fin de ce projet.

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« Ilse van Rijn : Et pour revenir à cette question des artistes analytiques et des artistes synthétiques, est-ce que nous, en tant que spectateurs, nous avons aussi besoin de ces outils pour pouvoir lire vos œuvres ?

Benoît Maire : Alors ça, je ne sais pas, vous voyez, parce que moi, je suis dans l'œuvre, je réalise l'œuvre, et je n'ai donc pas la moindre idée de la manière dont elle sera reçue. J'essaie de faire ce que je fais, donc je ne sais pas, je ne suis pas extérieur, je ne saurais vous dire... Je veux dire, je crois qu'il est important de lire – le texte écrit fait partie de l'œuvre, mais vous savez, la durée de l'œuvre n'est pas non plus définie, donc vous ne savez pas, vous devez décidez du temps que vous allez passer à regarder un tableau. Par exemple, un peintre pourrait peut-être dire : « Mon tableau dure deux heures, et si vous ne passez pas deux heures à le regarder, alors ce n'est pas mon tableau que vous voyez, c'est autre chose. » Je pourrais en dire de même de mon travail : si vous ne lisez pas le texte, vous passez à côté de quelque chose, si vous le lisez, vous avez quelque chose, mais... C'est la question de la perception... »

Extrait de « Esthétique des différends », Questions et réponses (2010), retranscription de la conférence donnée au Gerrit Rietveld Academy à Amsterdam.

Plus d'informations.

 

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Lecture-performance du livre "Images Latentes / Journal d'un photographe" de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. 

La Fondation d’entreprise Ricard invite Joana Hadjithomas, Khalil Joreige et Rosascape pour une lecture – performance du livre « Images Latentes / Journal d’un photographe ».
Le jeudi 25 novembre à 19h à la Fondation d’entreprise Ricard

Lecteurs invités : Etel Adnan, Geoffrey Carey, Frédéric Fisbach, Mireille Kassar, Françoise Lebrun, Franck Leibovici, Mathieu Montagnier, Walid Raad.

Le livre « Images latentes / Journal d’un photographe », troisième volet du projet Wonder Beirut de Khalil Joreige et Joana Hadjithomas, rassemble trente huit planches photos sélectionnées parmi les centaines de pellicules prises, et jamais développées, par le photographe libanais Abdallah Farah entre 1997 et 2006.
Ce livre de 1312 pages publié en tirage limité - deux éditions de soixante quinze exemplaires numérotés et signés, l’une en français et l’autre en anglais - offre une immersion au cœur de plusieurs de ces images latentes. Le descriptif des images se substitue aux photographies ; de courts fragments de textes décrivent les images invisibles tout en créant un nouvel espace imaginaire. L’édition de ce «Journal d’un photographe» fait écho à la série des «Images Latentes»(1998-2006), deuxième volet du projet WONDER BEIRUT construit autour du photographe Abdallah Farah, personnage de fiction créé par Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. Celui-ci y relate l’après-guerre à Beyrouth, les événements politiques et sociaux ainsi que ceux de sa vie intime et quotidienne durant une dizaine d’années (1997-2006).

Pour cette Lecture-performance, Joana Hadjithomas, Khalil Joreige et Rosascape invitent plusieurs personnes - artistes, performeurs, acteurs, metteur en scène, théoricien de l’art , poète - à lire les chapitres du livre. Plusieurs lecteurs se succèdent pour donner à entendre à travers une multiplicité de voix, l’intégralité des textes de ces « Images latentes ». Les personnalités qui sont invitées à s’approprier ces textes font ainsi écho au personnage d’Abdallah Farah, à son histoire, à ses recherches photographiques, au paysage contemporain de l’Histoire du Liban, à la dimension à la fois réelle et fictionnelle qui sous-tend tout le travail du Journal d’un photographe.
Il s’agit donc de faire entendre un récit et de déplacer la notion d’image latente qu’interrogent Joana Hadjithomas et Khalil Joreige vers le geste performatif en lui créant une autre visibilité, celle de l’émergence de l’image par le corps et l’oralité. Un autre écho, celui de la singularité de chacune des personnes invitées. Une caméra filme en gros plan le livre et les pages qui se tournent au rythme de la lecture. Le film est projeté au-dessus des performeurs mettant ainsi en jeu la relation entre l’objet plastique (le livre), l’image en mouvement (la vidéo) et la performance (la lecture).

« Images Latentes / Journal d’un photographe » est produit et édité par Rosascape.
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Histoire de la géométrie
Une exposition de Benoît Maire 22 septembre – 26 novembre 2010

L’exposition Histoire de la géométrie propose un parcours à travers la série éponyme conçue par Benoît Maire. Un parcours dont le fil conducteur serait à la fois les résonances que ces œuvres tissent entre elles et avec l’espace environnant, et le rapport de ces Histoire de la géométrie avec l’édition, le livre, la page, la citation, le langage. A travers différentes modalités de représentation, ce cheminement d’une œuvre à l’autre offre des formes d’indexations et d’analogies entre la forme géométrique et l’œuvre d’art, remettant ainsi constamment en jeu la dimension physique et affective des œuvres. Dans un paradigme romantique, hérité de la philosophie kantienne, l’œuvre d’art témoigne de ce qui dépasse la mesure (l’affect du sublime étant la réaction à cette vacance du jugement). Ici l’Histoire de la géométrie de Benoît Maire tente de calculer cette brèche ouverte, cette saignée, entre l’œuvre et la mesure objective, mathématique, de ce qui dépasse la mesure. Entre deux mesures impossibles une Histoire prend place.

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Dora Garcia / Real Artists Don't Have Teeth
Lancement Libelle 7

Castillo Corrales invite Dora Garcia et Rosascape pour une séance d’écoute de la performance « Real Artists Don't Have Teeth » éditée sur vinyle en supplément du Libelle 7. A cette occasion le public pourra se procurer des exemplaires des œuvres en libre service et des vinyles.
Le vendredi 8 octobre 2010 de 18h à 21h à Castillo Corrales : 65 rue Rébeval - 75019 Paris / France.

La performance de Dora García Real Artists Don't Have Teeth est donnée le 9 mars 2010 au Moderna Museet de Stockholm. Sur scène, dans un dispositif frontal avec le public, un acteur (Jakob Tamm) relate le récit écrit par Dora García à partir de la figure du cinéaste underground américain Jack Smith. Ce récit entremêle fiction, personnages réels de la scène artistique des années 1940-1960 (Jack Smith, Maria Montez, Antonin Artaud, Lenny Bruce, Jonas Mekas, Susan Sontag) et réflexions théoriques (et humoristiques) sur les liens présumés entre ce qu'est un vrai artiste et le fait que celui-ci n'ait plus de dents – des liens qui rejouent les normes de la sexualité, de l'engagement social et de la critique de l'institution. Ainsi Jack Smith aurait toute sa vie nourri une véritable fascination pour l'actrice hollywoodienne Maria Montez, autant pour le côté trash et désespéré de l'artiste que pour la figure de l'anti-héroïne qu'elle incarne aux yeux du cinéaste. Jack Smith se considérait comme un raté de la vie et de l'art et voyait en Maria Montez le corps décomposé capable d'incarner et de refléter sa propre déchéance. Dora García le dit : « Les héros sans dents n'ont pas d'amis. » Ils œuvrent donc dans le noir, jusqu'au bout d'eux-mêmes, en marge de tous les systèmes artistiques et sociaux. Elle conclut : « Les vrais artistes n'ont pas de dents, du coup ils ne peuvent pas mordre. » Dans cette apparente innocence, ils tissent néanmoins les linéaments d'un territoire hors norme dans lequel la démesure comme mode de vie et art de faire construit des corps innommables, libres, hors des représentations normées.
L'œuvre Real Artists Don't Have Teeth créée par Dora García pour Libelle est une extension plastique et sonore de la performance donnée à Stockholm. Dora García y rejoue le dispositif frontal qui associe l'acteur au public, faisant du public un élément constitutif de l'œuvre et de la performance. L'installation sonore rejoue dans un autre temps et dans un autre espace cette confrontation entre l'acteur (la performance) et le public, ce dernier pouvant voir alors comme le reflet de sa propre image celle qui représente le public photographié le jour de la performance donnée à Stockholm.

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